21 January 2021
Vincent Luciani, l’un des co-fondateurs d’Artefact revient sur les mois écoulés, comment la société s’est adaptée, et comment la connaissance de la donnée remonte dans la chaîne de valeur.

Propos recueillis par Emmanuel Gavard du magazine Stratégies

Comment s’est passé 2020 de votre côté ?

Nous avons la chance d’exercer une activité compatible avec la distance et transformante pour le monde post-covid. Les clients, notamment, ont besoin de beaucoup de données et de s’organiser pour mesurer et analyser les nouveaux comportements. Nous avons donc été beaucoup sollicités cette année pour travailler sur la réorganisation et la transformation des entreprises. Résultat, nous n’avons pas perdu de croissance et sommes plutôt en ligne pour l’année prochaine. Notre redéploiement stratégique sur la consumer centricity a été essentiel. Côté zone géographique, toutes les zones n’ont pas été touchées en même temps, entre l’Europe et la Chine. Donc nous avions toujours la moitié des bureaux ouverts. Et même confinés, notre CA n’a pas été touché dans le dur. Des clients à l’arrêts, dans le tourisme par exemple, nous ont sollicités pour des projets de fonds, des nettoyages et des reboots côté data. D’autres, comme en grande distribution, nous appelaient pour mieux mesurer ce qu’il se passait dans les magasins, bien comprendre les comportements pour adapter les approvisionnements.

Et sur le marché, qu’observez-vous ?

Les situations sont assez hétérogènes. Les acteurs traditionnels du média ont énormément souffert car beaucoup d’annonceurs ont réduit leur budget publicitaire, mais les projets de transformation en profondeur et de long terme n’ont pas été arrêtés. La montée en puissance du numérique change toutes les habitudes. Cela a des impacts sur la gestion du personnel, les plannings sont complètement perturbés. Il faut faire beaucoup de travail sur les prévisions, les flux, les ventes. Pendant la crise ou après, toutes les organisations ont été très chamboulées. Elles ont dû se réorganiser, avec moins de sous, et à marche forcée. L’e-commerce explose. Nous discutions avec un champion de l’agroalimentaire, il vise 50% des ventes sur le numérique prochainement. Jamais cela n’aurait été imaginable avant. Et demain, il gèrera lui-même ses stocks, ses paniers, sa distribution… Cela changera toute sa communication.

Comment vous structurez-vous, face à cela ?

Nous avons pas mal bougé dès 2019. Aujourd’hui, nous sommes structurés autour de trois offres. Nous avons toujours notre activité de média digital. L’activité historique. Ensuite, l’accompagnement sur le marketing (conseil sur la donnée, la gestion des first, second-party, la performance…), tout ce qui tourne autour de la connaissance client que ce soit en termes d’outils et de méthodo. Et ce que nous développons le plus, c’est la partie «transformation», essentielle pour être data-driven: avoir une vision, intégrer l’IA… Nous nous sommes focalisé sur ce concept de consumer-centricity, qui est pour nous le grand changement à venir.

C’est-à-dire ? Car cela fait longtemps qu’on en parle, non ?

Ce concept s’étend de plus en plus au sein des entreprises, et on s’aperçoit que celles qui l’appliquent le plus en profondeur s’en sortent mieux après la crise. Ca commence par avoir une démarche B2C: c’est à dire développer sa capacité à parler et à vendre directement au consommateur, à personnaliser sa stratégie média, et enfin le dernier point, le plus important, à remonter cette personnalisation dans la chaîne de valeur.

Plus en amont de la vente ?

Exactement. Historiquement, par exemple, le supply chain était déterminée par les “sales in”, les ventes effectuées au magasin. Demain, cela ne fonctionnera plus comme ça. Ce n’est plus le distributeur et sa commande, qui déterminera directement ma production et mes flux. Car en étant au plus près du consommateur, je peux faire remonter autrement mes besoins aux usines, et ainsi adapter toute la supply chain à ces nouvelles informations. C’est du demand sensing. Cela nécessite de repenser le design des procédés, d’automatiser les prédictions de commandes de produits etc. Et ça devient particulièrement intéressant quand vous le couplez au retail media, en effectuant des partenariats de données avec le retailer. Tout cette connaissance est mise à disposition de la marque pour faire de meilleurs plans de production. Nous avons lancé un programme dans une grosse industrie l’année dernière. Le logiciel calcule automatique à la journée la bonne quantité à produire. Et tout ce mode de travail est ancré dans l’IT de nos clients et se diffuse partout. Notre travail, c’est de collecter au mieux l’information pour déterminer le plus finement les commandes au jour d’après, et de disséminer cela dans tout l’écosystème.

Et ce n’est que du court terme ?

Nous l’avons décliné pour le projet Trendspotter de l’Oréal par exemple, afin d’aider le département études. Le but est d’analyser la demande dans les prochaines années par la détection de signaux faibles. 75% des tendances que l’outils a détecté, non détectées avant, ont été jugées pertinentes. On analyse des groupes d’influence, des travaux de laboratoires, des influenceurs pas très connus… Et dans ce corpus de millions de textes, nous repérons les petits éléments qui peuvent être pertinents. Ce qui est intéressant et qui démontre l’importance de cette méthode de travail, c’est que les sociétés ne font plus de POC (Proof of concept). On démarre tout de suite à l’échelle, en travaillant avec l’IT des clients. On passe tout de suite au concret. Car les outils sont plus performants, et les clients bien mieux armés sur ces sujets.

Vous vous êtes réorganisés vous aussi, non ?

Nous avons eu une période de très forte croissance internationale, en Chine, au Moyen-Orient, après le rachat de Netbooster en Europe. Avec Guillaume de Roquemaurel, nous avons beaucoup travaillé à la libération de l’entreprise. Avec 300 personnes en France, c’était compliqué de continuer à croître si on restait centralisé. Nous avons donc donné plus d’autonomie à des pôles de décisions, qui peuvent gérer leur staff tout seul. En fait, la maturité des équipes est très forte pour ces modèles. Il y a beaucoup de gens qui veulent monter en compétences et qui sont prêts à avoir des responsabilités. En plus, la demande des clients a changé et s’est nettement spécialisée. Aujourd’hui, on ne recherche plus un “data scientist”, mais un spécialiste de NLP (Natural Language Processing), plus un data ingenieur, mais un spécialiste Google Cloud. Même si j’ai 50% de compréhension en profondeur de la complexité des sujets, arrive un moment où en tant que dirigeant, je ne peux plus suivre. Il faut le reconnaître. Former les équipes à cette autonomie, à la connaissance des produits, et les spécialiser a été un des axes majeurs de notre transformation. On ne pilote pas 50 personnes comme on pilote 300 personnes ou 900 dans le monde… Il faut aussi laisser les choses se faire, écouter le client, et ceux qui sont en contact avec lui. Ce qu’on fait, c’est parce que le client le demande. Nous aussi, nous sommes consumer-centric!

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