Au-delà des IA génératives, la véritable révolution qui se prépare
Nous avons tous été témoins, et pour beaucoup utilisateurs, de la puissance de l’IA générative via des outils comme ChatGPT. Néanmoins cette première vague, aussi impressionnante soit-elle, n’est que le prélude d’une transformation bien plus profonde. La véritable révolution qui se profile est celle des Agents IA, des systèmes capables non seulement de comprendre et de créer, mais aussi de raisonner, d’orchestrer et d’agir. Il ne s’agit plus simplement d’automatisation, mais d’une réinvention complète de nos modèles économiques, marquant le passage de l’accélération à l’industrialisation de l’intelligence artificielle.
Oubliez les “cas d’usage”, l’IA réinvente désormais des processus entiers
La rupture la plus profonde introduite par les agents IA n’est pas technique, mais stratégique. Pendant des années, l’approche de l’IA en entreprise consistait à optimiser des tâches ponctuelles, à identifier des “cas d’usage” isolés pour améliorer une prédiction ou automatiser une micro-tâche. Cette approche, bien que parfois utile, n’a jamais permis une transformation en profondeur.
La distinction est fondamentale. Selon Edouard de Mézerac, Group CEO d’Artefact, l’IA traditionnelle s’apparentait à du “pointillisme” : on ajoutait des touches de couleur ici et là sans jamais changer le tableau global. Les agents quant à eux, permettent de créer de véritables “peintures horizontales”, en redessinant des flux de travail complets, de bout en bout. On ne cherche plus à optimiser un point, mais à réinventer la manière dont une équipe de 20 personnes collabore, interagit avec les systèmes et accomplit ses missions.
Cette vision enterre l’idée qu’une entreprise puisse se transformer par une simple accumulation de projets pilotes. Comme le souligne Edouard de Mézerac : “[…] je n’ai jamais vu dans ma vie, que ce soit en Chine, aux États-Unis, en Europe, une entreprise se transformer à coup de use case. Cela n’existe pas.”
Cette nouvelle approche systémique permet une transformation bien plus profonde, dont l’un des effets les plus spectaculaires est un gain de temps qui défie l’entendement.
L’accélération est si radicale qu’elle défie l’imagination
Dans notre époque actuelle, la vitesse est un avantage concurrentiel décisif. Comme le précise Emmanuel Grenier, Directeur Exécutif E-Commerce, Data et Transformation Digitale chez Carrefour, la réduction du “Time to Market” est l’un des facteurs clés du succès. En effet, les agents IA ne se contentent pas d’accélérer les processus ; désormais ils les font entrer dans une toute autre dimension temporelle.
L’exemple le plus frappant partagé par Carrefour est la création d’un business plan pour l’ouverture d’un nouveau magasin.
- Avant : Un processus complexe de collecte d’informations, d’études et de validations entre services qui prenait deux mois.
- Aujourd’hui : Un agent IA se connecte aux bases de données internes (chiffres d’affaires des magasins existants), aux études démographiques externes et aux informations immobilières pour générer un business plan complet en deux minutes. Il ne s’agit pas seulement d’un gain d’efficacité ; cela change fondamentalement la stratégie d’allocation de capital et d’investissement de l’entreprise.
Au-delà de la vitesse, la valeur ajoutée de l’agent réside dans sa neutralité. Là où un humain “a souvent très envie que ça marche” et peut donc monter les chiffres, la machine produit des résultats “extrêmement bruts et à plat”. Conséquence directe : la moitié des projets non viables sont immédiatement écartés, permettant aux équipes de se concentrer uniquement sur les opportunités les plus prometteuses.
Le processus promotionnel chez un grand distributeur est un autre cas d’école, un workflow à très haut risque où le coût de l’erreur est énorme. Chez Carrefour, cela représente environ 10 millions de vérifications manuelles par an pour s’assurer de la conformité des codes logistiques entre les fournisseurs et les catalogues. Un agent a été déployé pour doubler le nombre de ces contrôles, mais surtout pour agir de manière autonome. S’il détecte une erreur, l’agent envoie automatiquement un e-mail au fournisseur concerné pour l’alerter et demander une correction. C’est l’illustration parfaite d’un agent qui ne se contente pas d’analyser, mais qui exécute.
Dans ce même processus, la relecture des catalogues promotionnels passe d’une journée entière (impliquant 4 à 5 relectures) à seulement dix minutes avec une seule relecture assistée, l’agent proposant directement les corrections. Ces gains de temps phénoménaux ne sont pas l’apanage de la grande distribution et touchent tous les secteurs.
Le véritable frein n’est pas la technologie, mais les processus internes
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la technologie IA elle-même devient une commodité, accessible via des plateformes comme ChatGPT, Gemini ou Copilot. Le véritable défi pour déployer ces solutions à grande échelle et en tirer un retour sur investissement ne se situe pas dans le code, mais dans l’organisation.
Pour réussir, une entreprise doit remplir deux conditions clés :
- Être “Data Ready” : Il s’agit moins d’avoir des volumes de données historiques massifs que de posséder une “couche sémantique” claire, ce fondement souvent sous-estimé de l’intelligence d’entreprise. En d’autres termes, tout le monde doit être d’accord sur la définition d’un “produit” ou d’un “employé”. Sans ce langage commun, l’agent se perdra.
- Être “Process Ready” : C’est le point le plus difficile. Pour réinventer un processus, il faut d’abord le comprendre parfaitement. Cela exige des talents capables de cartographier les véritables façons de travailler.
Le paradoxe est que l’IA peut elle-même être la solution à ce problème. Edouard de Mézerac cite l’exemple d’une grande entreprise de biens de consommation en Allemagne, où l’IA a été utilisée pour cartographier les flux de travail existants. En enregistrant les interviews des collaborateurs décrivant leurs tâches, un modèle d’IA a généré la première cartographie complète des processus de l’entreprise. L’IA n’est donc pas seulement le but, mais aussi l’outil pour surmonter le plus grand obstacle à son propre déploiement.
Emmanuel Grenier est catégorique sur la hiérarchie des priorités. Le succès ne dépend pas de la sophistication de l’outil, mais de la clarté de l’organisation qui l’accueille.
Sans une remise à plat de vos processus, l’IA ne pourra opérer sa magie. La machine a besoin d’un cadre clair pour agir. Cette refonte soulève inévitablement la question de la place de l’humain.
L’humain n’est pas remplacé : il est augmenté et doit être formé d’urgence
La crainte du grand remplacement des emplois est omniprésente. Pourtant, la vision portée par les experts est celle d’une collaboration où l’IA devient un partenaire qui libère l’humain des tâches répétitives pour lui permettre de se concentrer sur des missions à plus haute valeur ajoutée.
Le concept clé est celui du “human in the loop”. Dans les exemples de Carrefour, un humain reste systématiquement en bout de chaîne pour vérifier et valider le travail de l’agent. Cette supervision a un double objectif : garantir la fiabilité (éviter les “hallucinations”) et maintenir un sentiment de responsabilité psychologique au sein des équipes.
En éliminant les tâches “mondaines”, les agents permettent aux collaborateurs de consacrer plus de temps au “vrai travail”, au “deep work” et à la résolution de problèmes complexes. L’impact sur la nature du travail sera cependant inégal. Comme le précise Emmanuel Grenier, “tous les métiers du middle management sont des métiers qui vont être un peu secoués”, car leur fonction historique de redistribution du travail est précisément ce que les agents feront le plus efficacement. En revanche, l’expertise pointue et la négociation complexe deviendront encore plus valorisées.
Face à cette transformation inéluctable, une seule conclusion s’impose : la formation n’est plus une option, c’est une urgence absolue. L’appel final de Pascal Clouzard, Co-Founder de Tech for Retail, résonne comme un avertissement sans appel :
“formez-vous formez-vous formez-vous parce que si vous ratez la connaissance de ces nouveaux outils en général […] je pense que vous allez perdre une employabilité énorme.
L’urgence de passer de l’idée à l’action
L’ère des agents IA réduit de manière drastique l’écart qui séparait une idée de sa réalisation. Ce qui prenait des mois de développement peut désormais être prototypé et déployé avec une rapidité inédite. Ce sont les entreprises qui ont les meilleures idées qui gagneront.
L’urgence est donc maximale. Les acteurs établis font face à un défi existentiel : agir vite, sous peine de voir surgir de nouvelles entreprises “IA natives”, capables d’attaquer leurs marchés avec des structures de coûts et une agilité sans précédent, rendant les barrières à l’entrée traditionnelles obsolètes.
Cette révolution ne peut être déléguée au seul département informatique. Elle est stratégique et doit être portée au plus haut niveau. Le véritable responsable de l’IA, c’est le DG, qui devient de fait le “Chief AI Officer” de son entreprise.
Watch the replay of the presentation:

BLOG






