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L’industrie automobile est aujourd’hui en pleine transformation : son modèle commercial pivote vers un modèle de vente direct et l’ensemble des constructeurs automobiles subissent une pression importante et soutenue de la part des gouvernements et des organisations locales autour des émissions de CO2. Alors que faire pour que l’industrie automobile puisse continuer à prospérer ? Tribune co-écrite avec Axel Tasciyan, data consulting directeur chez Artefact.

L’industrie automobile est aujourd’hui en pleine transformation, voire même en pleine révolution ! Tout d’abord son modèle commercial est en train de changer : les constructeurs commencent à adopter un modèle de vente direct, c’est à dire avec le moins d’intermédiaires possible, visant à simplifier le processus d’achat comme certaines industries, comme le tourisme ou le luxe l’ont fait il n’y a pas si longtemps mais surtout déjà éprouvé avec succès par la bête noire de l’automobile traditionnelle : Tesla ! En effet, Tesla offre une expérience d’achat plus proche d’un smartphone américain que d’une voiture traditionnelle. Sur ce sujet Stellantis, Volkswagen, Volvo et Daimler font partie des premiers à avoir publiquement annoncé leur volonté d’avancer très vite dans cette direction.

En plus de cela, l’ensemble des constructeurs automobiles subissent une pression importante et soutenue de la part des gouvernements et des organisations locales avec des objectifs titanesques sur les émissions de CO2 leur imposant tout bonnement un passage à marche forcée à l’électrique. Vous n’avez qu’à voir les dernières annonces du gouvernement français sur les malus de 2022. Seulement cette marche forcée vers l’électrique impacte cruellement les marges par voiture déjà très faibles pour certains constructeurs (majoritairement dans l’entrée et le milieu de gamme).

Il faut savoir qu’il est aujourd’hui 20 à 30% plus cher de produire une voiture électrique d’après une étude d’Oliver Wyman publiée par le Financial Times. Et ce n’est pas tout car le coût d’entretien d’un véhicule électrique est lui au moins 10% moins élevé que celui d’un véhicule thermique d’après l’Organisation des Consommateurs Européens, avec d’autres études moins optimistes pour les constructeurs parlant plutôt de -30%. Cette baisse de dépense pour les automobilistes, vient impacter malheureusement de plein fouet l’activité après vente des constructeurs, là où traditionnellement ils pouvaient proposer des services à plus forte marge et rattraper pour certains leur faible marge par véhicule.

Alors que faire pour que l’industrie automobile puisse survivre ? La réponse est assez simple, et se décompose en trois volets : vendre davantage, vendre mieux et monétiser les données. Bien sûr, cela semble évident sur le papier. Mais loin d’être un discours de chef de vente en concession, ces mesures concrètes constituent la base du commerce automobile de demain. Examinons-les ensemble :

Vendre davantage

Il ne s’agit pas ici d’une recommandation évidente de vendre plus de véhicules (bien que cela puisse aider les constructeurs), mais plutôt d’augmenter les “extras” vendus à une personne qui a acheté une voiture.

Actuellement, un acheteur qui visite le site web du constructeur une semaine après avoir passé sa commande est susceptible de se voir proposer une autre voiture. Cela est une perte de temps et de ressource pour tout le monde !

En revanche, un consommateur qui achète une voiture et qui, en retournant sur le site web ou en surfant sur Internet, se voit proposer une série d’extras et d’accessoires disponibles comme des extensions de garantie, des barres de toit ou des offres spéciales d’entretien paraît plus pertinent. On peut même imaginer proposer des offres spécifiques telles que des articles saisonniers, en fonction des situations géographiques, des pneus neige par exemple.

Cette approche plus personnalisée et plus contextualisée, entreprise en étroite collaboration avec les concessionnaires, prolonge également la relation du constructeur automobile et du concessionnaire avec l’acheteur. Là où traditionnellement les acheteurs désertent les concessions après leur achat, cette approche leur donne une raison de revenir et d’améliorer sans cesse leur automobile et leur expérience de conduite, recréant une vraie synergie entre la marque, le réseau et le conducteur ou la conductrice.

Si l’on regarde en dehors du secteur automobile, on peut s’inspirer du “vendre davantage” d’autres industries. La société de télécommunications Orange, par exemple, vend une grande variété d’accessoires tels que des écouteurs Bluetooth et des étuis de téléphone grâce à la personnalisation de son site web et à des campagnes de publicité après-vente horizontale et verticale (forfait mobile après un achat internet ou vice versa, pack de données supplémentaires sur un forfait mobile etc..).

Le spécialiste du voyage Pierre & Vacances Center Parcs, quant à lui, a optimisé son offre et son approche commerciale pour encourager les voyageurs à “améliorer” leur voyage avec des logements plus grands ou des activités supplémentaires lorsqu’ils pouvaient enfin voyager dans les périodes de non couvre-feu, et utiliser leurs coupons de voyage.

En conclusion, le vendre davantage se résume à mieux capitaliser sur l’ensemble des opportunités commerciales pendant toute la durée d’usage de l’automobile, et ne plus se concentrer uniquement sur la vente de voitures neuves. Mais alors qu’est-ce que le vendre mieux ?

Vendre mieux

Aujourd’hui dans une approche partagée avec les concessionnaires, les constructeurs automobiles ne contrôlent qu’une petite partie de l’expérience d’achat. Un acheteur potentiel peut s’adresser au constructeur, mais sera ensuite vite guidé vers le concessionnaire le plus proche, où il pourra tester la voiture, négocier le prix, convenir d’une vente, fournir ses coordonnées et avec qui il organisera les services ultérieurs. Toutes ces informations essentielles appartiennent en grande partie aux concessionnaires.

Toutefois, à mesure que la vente directe se répand, comme Stellantis l’a publiquement exprimée en fixant comme objectif 25% de vente en ligne pour sa filiale de distribution, la propriété des données va évoluer et changer, et les constructeurs vont disposer d’une quantité croissante d’informations précieuses sur leurs clients et prospects.

Armé de ces données, le fabricant va pouvoir améliorer davantage ses taux de conversion car il saura mieux qui achète ses voitures et pourquoi, et donc comment les attirer et conserver leur intérêt tout au long de la vente et de l’après-vente. Ces données (appelées souvent données propriétaires ou “first party data”) peuvent ainsi affiner leur capacité de ciblage Marketing et donc leur permettent de réduire leurs coûts d’acquisition les aidant à contrecarrer un coût de production grandissant avec l’électrique notamment.

En fin de compte, le “vendre mieux” est une question d’excellence stratégique et opérationnelle, avec le marketing en première ligne. Dans ce cadre, il va falloir que les constructeurs apprennent à exploiter encore plus la richesse des informations dont ils disposent déjà (mais aussi de celles dont ils vont bientôt disposer notamment avec les voitures connectées qui se développent à grand pas). Grâce à ces données et à leur bonne utilisation, les dépenses publicitaires digitales vont notamment pouvoir être optimisées sur la base de données réelles et précises (détails des achats réels, comportements en ligne etc…), plutôt que sur la base d’indicateurs médias génériques comme c’est encore souvent le cas aujourd’hui.

Toyota Canada est un très bon exemple du “vendre mieux”. À l’aide d’algorithmes utilisant ses données propriétaires, telles que le comportement des utilisateurs sur leur site internet, Toyota a pu identifier et cibler uniquement les groupes de personnes ayant les plus fortes probabilités d’achat. Cela leur a permis d’obtenir un taux de conversion six fois plus élevé que la tactique historique consistant à ré-engager tous les visiteurs de leur site web. Et au passage cela a réduit leur coût d’acquisition de 80 % !

Monétiser les données

En élargissant les achats relatifs aux véhicules (accessoires, produits financiers etc.) et en allant vers la vente directe et vers les voitures connectées, les constructeurs vont avoir très bientôt la possibilité de se faire une bien meilleure idée de leurs clients, de leurs usages et habitudes : l’environnement dans lequel ils vivent (rural ou urbain), le type de voiture dont ils ont vraiment besoin, la façon dont ils l’utilisent et, éventuellement, les endroits où ils vont.

En anonymisant ces données et en les ajoutant aux vastes quantités de données propriétaires que les constructeurs possèdent déjà, les constructeurs vont être à la tête d’une source de revenus lucrative non réalisée, qui pourra être débloquée grâce à des partenariats appelés en anglais: “data partnership”.

Ces partenariats, déjà présents dans certaines industries (à voir les cartes de crédit à l’effigie des compagnies aériennes par exemple ou encore les campagnes de forfait mobiles en collaboration avec les vendeurs de téléphones) permettent à une organisation d’accéder aux données d’une autre organisation, soit en les payant directement, soit en les échangeant contre leurs propres données. Cette stratégie permet aux deux entreprises d’accéder à de nouveaux clients, souvent bien plus réceptifs à leur proposition de valeur qu’à une personne regardant une publicité télé par exemple. Cette stratégie permet également dans certains cas, de mieux cibler certains clients existants pour leur proposer des offres et des services plus alignés avec leurs habitudes d’achat. Pour l’industrie automobile en particulier, les partenariats avec les compagnies d’assurance constituent une opportunité évidente, mais cette approche pourrait facilement être élargie : les hôtels et les sociétés de vacances par exemple pourraient être friands de ces données pour en savoir plus sur les habitudes de conduite et de voyage de leurs prospects.

Les mises en place de ces partenariats dans l’automobile sont cependant encore très rares et complexes, freinées par des données encore faiblement enrichies. Mais avec l’évolution que l’industrie connaît en ce moment autour de ses données, il s’agit  d’une opportunité de différenciation capitale pour les fabricants. Le seul prérequis est la volonté d’être des pionniers et d’investir du temps et des efforts pour bien préparer les choses dès maintenant.

En conclusion, pour trouver plus de valeur économique, les constructeurs doivent compléter la manière traditionnelle de vendre des voitures et faire preuve de créativité pour tirer profit de tout ce qu’ils savent sur les personnes qui achètent leurs produits. Cela passe par la préparation de la monétisation de données, car demain, faute d’être un atout compétitif, ils vont vite devenir une dette difficile à combler pour ceux qui vont tarder à s’y mettre !

L’ingrédient clé et centrale de tout ça : la donnée

Quel est donc le point commun entre les trois approches décrites ci-dessus ? Les données, les données et encore les données.

Pour bien maîtriser et capitaliser sur ses données, le constructeur automobile de demain va devoir changer d’état d’esprit. Au lieu d’une organisation qui vend des voitures neuves, une autre qui vend des voitures d’occasion, une autre qui propose des pièces détachées et une autre encore qui vend des services, chacune conservant ses données séparément, la vision de demain repose sur un stockage et une utilisation de données centrale qui profite à tous. Parfois appelée “plateforme de données clients” (en anglais CDP: Customer Data Platform), cette plateforme est désormais à portée de tous grâces aux solutions IT Cloud qui offrent tous les différents composants technologiques à des coûts tout à fait raisonnables tout en rendant l’opération de centralisation de donnée réalisable et relativement simple pour la plupart des entreprises.

Avec une plateforme de ce genre, la gestion et l’analyse des données désormais centralisées peuvent fournir des informations pertinentes qui apportent de la valeur ajoutée et génèrent des opportunités de revenus tout au long de la vie du client ouvrant la route vers le “ vendre davantage”, le “vendre mieux” et bien entendu vers la monétisation des données. De quoi redonner le sourire à nos constructeurs automobiles ! Peut-être la lumière au bout du tunnel ? Sûrement, pour ceux qui arriveront jusque là…

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